De l'esprit des lois [Les]

De l'esprit des lois

Lester  &&  Tara

21 septembre 2018,
SPD,
10 AM

Les portes du commissariat s'étaient ouvertes à la volée, laissant apparaître la silhouette toujours si bien hirsute de celle que les officiers présents, regardèrent avec, au fond de leurs prunelles, les plus amusées des lueurs. L'un d'entre eux qui, donnant un coup de coude à son collègue, la désigna d'un signe de la tête avant que, dans une facétie acide, saluait de la main celle qui, loin de s'en laisser décontenancer, ne répondit que par le plus impoli des doigts levés. Et quand un autre, lui aussi visiblement bien habitué à la voir débarquer, comme le plus solaire et furibonds des boulets de canons, se fendit d'une salutation hilare la jeune femme se décida à suspendre un moment sa route. Juste ces quelques secondes pendant lesquelles, les poings serrés sur ses hanches menues, elle le darda de ces prunelles orageuses avant que, inclinant la tête sur le côté, faire un pas de plus dans sa direction. Celui qui eut même pu être celui de trop si, toussant derrière ce comptoir où, tel un bulot lové à son rocher préféré, l'officier Brady ne s'était rappelé à son bon souvenir. Enfin, bon... Tout dépendait du point de vue ! Ôtant sa casquette et commençant d'ors et déjà à se frotter nerveusement la nuque, conscient que la conversation qui n'allait pas manquer de suivre allait réveiller ses pires migraines l'homme la laissa venir à lui et lancer ce qui, comme toujours entre eux, ressemblaient fort à des hostilités. Et à peine la voix de la jeune femme avait-elle commencé à s'élever dans l'air si chaud du central que, déjà, Brady soupirait bruyamment un agacement qui, pourtant et il ne le savait que trop bien, ne faisait que commencer.

Qu'est-ce que c'est que ça ?!

Avait demandé Tara alors que, de ses deux mains, elle jetait sur le comptoir qui en trembla cette convocation froissée qu'elle dardait de ses plus assassines oeillades. Levant un doigt comme pour mieux demander un peu de patience à celle qu'il savait pourtant si bien en être dépourvue, l'homme avait pris le temps de se verser un verre d'eau. Ce même verre qu'il porta à ses lèvres trop fines et qu'il vida d'une traite, avalant au passage pas moins de trois aspirines. Lorsque Tara Dyer pénétrait dans ce lieu c'était la dose minimale pour avoir une chance, même infime, de ne pas finir plus lessivé et essoré que s'il avait été sur le terrain, pris dans une fusillade entre deux gangs rivaux ! Cette fille était une tornade, un typhon et un tsunami réunis ! Cette fille... cette petite humaine aux allures si fragiles était une plaie ! Et dans le commissariat rares étaient ceux à ne pas avoir été victimes, et le mot était encore le plus doux des euphémismes, de ses fabuleuses et si théâtrales colères ! Quand elle ne se faisait pas arrêter pour ébriété ou bagarre c'était son grand ami Ethan Wheeler qu'elle venait chercher. Et, rien qu'à songer à ces moments où les deux trublions s'étaient trouvés ici et ensemble, l'officier de garde avala une quatrième aspirine. Ses lunettes enfin chaussées sur son gros nez il avait levé les yeux au ciel comme pour mieux implorer Dieu de mettre vite fin à son calvaire et, d'un geste las, s'était emparé du papier de la demoiselle.

C'est quoi ce bordel ?
Oh Bonjour Miss Dyer ! C'est toujours un plaisir de vous revoir vous savez ?

Puis, se penchant de façon aussi provocatrice que comique par dessus l'épaule de la demoiselle il avait soupiré en riant doucement

Mais dites moi … Où est donc passé Mr Wheeler ? Il n'est pas avec vous aujourd'hui ?
Quoi ? Vous avez encore injustement arrêté Ethan ? Si jamais vous avez osé...

L'officier avait fermé les yeux et tenté de retrouver un calme qu'il sentait le quitter un peu plus à chaque seconde.

Oh non ! Pour une fois nos cellules n'ont pas eu le plaisir de vous accueillir vous et votre si turbulent ami !
Ah ah ah... Très drôle ! Vous avez bouffé un clown au petit-déjeuner ce matin Officier Brady ?
Ecoutez... De vous à moi... Vous m'avez l'air d'être une gentille fille... Pourquoi vous entêtez vous à perdre votre temps, votre calme et même votre argent pour ce type ? Wheeler est une cause perdue Miss ! Alo...
J'aime Ethan d'accord ?

L'oeil de l'officier qui s'arrondissait sous la surprise faisant réaliser à la tornade brune ce qu'elle venait, sans même s'en rendre compte, de déclarer. Et devant un officier assermenté qui plus est... Rougissant jusqu'aux pointes de ses petites oreilles, dodelinant de la tête et soufflant sa gêne elle avait tenté de rectifier

Non mais... C'est pas ce que je voulais dire... Enfin si, j'aime Ethan mais non je...

Consciente qu'elle ne s'enfonçait qu'un peu plus à chacun des mots qui s'écoulaient de sa bouche elle en était revenue à ses moutons du jour.

Pourquoi mon dispensaire est sous le coup d'une enquête et presque d'un arrêté ? Pourquoi vouloir le fermer ?

La question, elle, était sérieuse et pour une fois même l'officier Brady ne put en disconvenir. Lisant, et relisant ce papier en effet des plus officiels, il avait soupiré. A son niveau il ne pouvait malheureusement pas aider celle qui, cette fois, en aurait pourtant réellement eu besoin. Car, cette fois, il ne s'agissait pas d'une simple question de bagarre ou de délit mineur ! Cette fois le dispensaire créé et tenu par la jeune femme était sous le coup d'une enquête … Et, à ce que l'officier en lut c'était sérieux ! On la soupçonnait de se servir de son dispensaire pour permettre, ou du moins faciliter le trafic d'O qui, ces derniers temps, semblait gagner pour mieux la ronger, toute la ville. Aussi, les seuls mots que l'homme put il dire furent ceux-ci

Trouvez-vous un avocat Miss ! Et, suivez mon conseil, trouvez en un très bon !

Aucune moquerie dans le ton de celui qui, au fond des yeux, semblait presque compatir aux malheurs de celle qui, pour le coup et lorsqu'elle sortit du SPD, était plus dépitée que jamais. Et qui, alors qu'elle rejoignait sa Triumph n'avait plus qu'une seule question en tête : où allait-elle donc bien pouvoir le dénicher ce baveux merveilleux qui pourrait épargner à ses jolies petites fesses de se faire dévorer ?



~***~


21 septembre 2018,
The Shelter,
16 AM

Et tu es certaine que ce type, ce Skalamandre...
Sarkander...
Oui, bon, bref... Peu importe son nom pour l'instant à ce type ! Qui te dit que cet avocat qui t'as apparemment été si chaudement recommandé... par qui, ça je l'ignore toujours d'ailleurs... Qui te dit qu'il vaut l'investissement ?

Tara qui, repoussant la carte de visite que son amie et elle regardaient fixement depuis plus d'une heure maintenant, soupira. Encore. Plus fort encore que la fois précédente. Et certainement moins que la suivante. Ses mains qui passaient dans ses cheveux en pagaille et ses paupières qui s'abaissaient, quelques secondes seulement avant que sa tête ne les imite et ne vienne s'abattre, un peu trop violemment peut être, sur le plateau en verre de son bureau.

J'ai pas le choix Penny... Si je ne fais rien alors dans un mois ce lieu n'existera pas ! Toi, moi et tous les autres auront échoué ! Et nos patients, eux, seront encore les seuls à en pâtir... Ce n'est pas juste !

Puis, relevant la tête, les yeux presque plus au bord des larmes que de l'épuisement le plus grand, elle avait ajouté dans un haussement d'épaules.

Je dois essayer !
Et avec quoi tu comptes le payer ? Tu as gagné à la roulette dernièrement ?
Stefano a proposé de m'avancer l'argent et puis, au pire...

La larme qui coulait mais qu'elle écrasa d'un geste triste et las.

Tara ?
Au pire je vendrais ma bécane...
Quoi ? Non Tara ! Non tu ne vas pas faire ça ! Pas ta moto !
C'est le seul objet que je possède et qui ait suffisamment de valeur pour être vendu...
Non, pas question ! Déjà quand tu avais eu l'idiotie de la mettre en gage pour faire libérer ton vampire j'étais contre !
Ethan valait bien ma moto, non ?
Non ! Il ne la vaut pas !
Si ! Et le dispensaire aussi !
Tara …

Une présence étrangère que les deux femmes ressentirent et qui les fit, de concert, se retourner vers cette porte où, dans l'encadrement, elles découvrirent celui qui, visiblement, aimait être en avance. Et ne faisait pas le moindre bruit quand il arrivait... Se levant, manquant de s'étaler en se prenant les pieds dans la corbeille à papiers à ses pieds, Tara lâcha une bonne bordée de jurons puis, se reprenant, les joues rosies et le nez retroussé par la gêne colérique elle était venue jusqu'à celui à qui elle tendit la plus aimable des mains

Maître Sarkander ? Tara Dyer. Je vous suis reconnaissante d'avoir bien voulu venir jusqu'ici !

Puis, lui désignant un fauteuil encombré de mille et un dossiers elle l'avait invitée d'un regard à u prendre place tandis que, se dirigeant vers la machine à café, elle avait demandé

Je vous sers quelque chose ?

(c) MR. CHAOTIK